Covid 19, vaccins et délis d'initiés
Les effets de communication de certains laboratoires lancés dans la course au vaccin anti-Covid ont permis à leurs dirigeants de faire quelques juteux bénéfices en Bourse.
Le lundi 9 novembre 2020, les laboratoires pharmaceutiques américain et allemand Pfizer et BioNTECH, associés dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19, publiaient un communiqué de presse commun annonçant que leur candidat vaccin BNT162b2 atteignait, au terme d’une première analyse intérimaire de la phase III de ses essais cliniques, un taux d’efficacité de plus de 90 % dans la prévention du Covid-19.
A l’issu de cette annonce, l’action de Pfizer, qui avait clôturé à 34,54 $ le vendredi précédent à la Bourse de New York (NYSE), est repartie nettement à la hausse dans la journée du lundi 9, de même que ses volumes de transaction, qui ont atteint 230 millions d’échanges dans la journée, quand ils se situaient entre 20 et 40 millions par jour les semaines précédentes.
Bien orchestrée (il n’y avait aucune nécessité de publier des résultats partiels en amont), cette opération de communication a eu pour effet de permettre à un certain nombre d’actionnaires de Pfizer de prendre quelques bénéfices dans la journée. A commencer par son PDG Albert Bourla.
Un document soumis à la Securities and Exchange Commission (SEC) dès le lendemain atteste en effet qu’Albert Bourla a vendu 132 508 actions à leur plus haut le 9 novembre dernier (soit les deux tiers de celles qu’il détenait directement), au prix de 41,94 dollars, pour un montant de 5,55 M$. Le même jour, la vice-présidente exécutive de Pfizer, Sally Susman, s’est délestée de 43 662 actions au même tarif (un petit tiers de celles qu’elle détenait), pour un montant de 1,8 M$.
D’aucuns pourraient voir dans ces opérations des délits d’initiés. Interrogé par CNN Business, Albert Bourla, qui reconnait avoir eu connaissance des résultats préliminaires encourageants de la phase III d’essais cliniques dès le dimanche 8 novembre, s’en est défendu, évoquant l’exécution automatique d’un ordre de vente programmé en amont, au mois d’août dernier, et devant se déclencher lorsque le cours de l’action atteindrait un certain niveau.
En tant que PDG de Pfizer, Albert Bourla pouvait très bien anticiper dès le mois d’août que son laboratoire serait en mesure d’annoncer la disponibilité prochaine d’un vaccin contre le Covid 19 dès l’automne, et de programmer une juteuse prise de bénéfice sans risquer d’éveiller le soupçon d’un délit d’initié, la vente de ses actions ayant été programmée très en amont de l’événement (un simple communiqué de presse sur des résultats intérimaires) qui a déclenché la hausse de leur cours.
La vente des actions du PDG de Pfizer intervient quelques mois seulement après que les dirigeants de Moderna, une société de biotechnologie travaillant également sur un vaccin contre le Covid-19, aient vendu un partie de leurs actions suite à la publication de résultats d'essais prometteurs. Deux de ses dirigeants ont exercé des options sur 30 millions de dollars d'actions de Moderna avant que leur cours ne s'effondre quelques jours plus tard, révèle un document soumis à la SEC, éveillant ainsi des soupçons de manipulation des marchés.
L’annonce de résultats intérimaires par Pfizer et BioNTECH est intervenue opportunément avant que d’autres laboratoires ne fassent part de leurs propres avancées, et alors que leur candidat vaccin contre le Covid 19 souffre d’un lourd handicap susceptible de le rendre beaucoup moins compétitif : la nécessité de maintenir une chaîne de froid à - 70° C tout au long de sa chaîne de distribution.
L’annonce des résultats de l’analyse complète des essais cliniques de phase III du vaccin de Pfizer et BioNTECH le 18 novembre, qui le créditent finalement d’une efficacité de 95 %, est loin d’avoir eu le même effet sur le cours de l’action en Bourse. Mieux valait faire un bon “coup de com” avant, pour s’assurer de prendre quelques bénéfices.