Dans la corbeille à papier d'Internet
Du plaisir à retrouver dans la corbeille à papier d'Internet un petit article prospectif oublié écrit il y a quelques années,
Lorsque on passe sa vie à écrire (surtout des choses aussi insignifiantes que des articles de presse), on ne se souvient pas toujours, sinon dans les grandes lignes, de tout ce qu’on a pu écrire. On se souvient surtout d’avoir écrit quantité de choses dont on ne retrouvera plus jamais la trace. Et c’est avec un réel plaisir qu’on tombe parfois par hasard, sur un blog oublié, sur un petit article prospectif publié il y a quelques années1, qui faisait preuve d’une assez bonne intuition, dans un domaine alors encore peu considéré, en annonçant avec quelque anticipation : “[Avec la révolution des fintech,] les industries musicales vont voir affluer vers elles une marée de capitaux, qui vont leur permettre d'investir massivement et à long terme dans leur transition vers l'économie numérique”. Les fintech vont également “bouleverser de fond en comble la gestion de leurs droit sur Internet”, projette l’article, du fait de l’irruption des nouvelles technologies de blockchain. C’est quand même un peu ce qu’on observe aujourd’hui.
Article reproduit ci-dessous :
lundi 20 juillet 2015
L'industrie musicale à l'aube d'une révolution financière
La révolution des « fintech », ou nouvelles technologies financières sur Internet, fait trembler les grandes institutions bancaires depuis quelques mois. Elle pourrait aussi être à l'origine d'un afflux massif de capitaux vers la musique, et bouleverser de fond en comble la gestion de ses droits sur Internet.
Une multitude de start-up développent des services financiers « désintermédiés » sur le Web – financement participatif, prêt entre particuliers, prêts des particuliers aux entreprises, investissement en capital dans les PME, et création de monnaies virtuelles totalement indépendantes comme Bitcoin – qui permettent de faire le boulot des banques à leur place et sans elles, au service du développement de nouvelles formes d'économie. Comme le sentiment général est que les banques ne font plus leur travail depuis la crise de 2008, et alors que leur image de marque de « tiers de confiance » s'est nettement dégradée, la quête d'une alternative à la finance traditionnelle est très porteuse dans l'opinion, en particulier auprès des jeunes générations.
D'où le succès, auprès des internautes, des nouveaux acteurs de la « FinTech » que sont Prêt d'Union, Lending Club, Kickstarter, Wiseed, Ulule, KissKissBankBank et tant d'autres, qui associent les technologies du digital aux services financiers - à destination des particuliers (B to C) ou des entreprises (B to B). « Cet ensemble regroupe des entreprises ou plus généralement des start-up de toute taille avec des projets aussi différents les uns que les autres mais qui se rejoignent en ce que toutes abordent les métiers de la finance de façon disruptive, c’est-à-dire en rupture avec les modèles antérieurs d’organisation de ces activités, en privilégiant une approche liée à l’utilisation des technologies et des médias », explique Hubert de Vauplane, avocat d'affaires, dans un article sur les mutations de l'industrie financière publié par la Revue d'économie financière.
La musique sans les banques
Le paradoxe, c'est que l'industrie musicale, après quinze années de disruption massive de son économie, est l'une des premières à pouvoir profiter de la révolution des "fintech". Rares sont ses acteurs, en effet, qui ont une relation privilégiée avec leur banquier. Difficile, pour un patron de label ou un éditeur indépendant, d'obtenir un prêt ou ne serait-ce qu'une ligne de crédit. C'est pour cette raison qu'a été créé un organisme comme l'IFCIC (Institut de financement du cinéma et des industries créatives), qui octroie une garantie financière aux entreprises culturelles (de 50 % à 70 % du montant du crédit) et gère plusieurs fonds d'avance – aux industries musicales, aux jeunes entreprises de création, aux entreprises de presse, aux librairies indépendantes. Pour une banque, la musique ne représente bien souvent rien d'autre qu'un moyen de cibler des publics jeunes dans ses campagnes de marketing ; elle reste un métier de saltimbanque, et n'est certainement pas un business très sérieux.
Alors oui, plus l'industrie musicale, et la myriade de TPE et PME qui composent en réalité son tissu économique sur l'ensemble du territoire, basculeront vers les schémas de développement hérités de la nouvelle économie du numérique et s'appuieront sur ce que sont ses principaux leviers de croissance pour la musique aujourd'hui (le streaming, la mondialisation du marché, les nouvelles exploitations du live, les nouveaux médias, etc.), plus elles auront accès aux nouveaux modes de financement participatifs que développent les start-up de la « fintech ». A terme, mais c'est déjà le cas à un certain niveau, les industries musicales vont voir affluer vers elles une marée de capitaux, qui vont leur permettre d'investir massivement et à long terme dans leur transition vers l'économie numérique. Ce sera probablement l'un des effets les plus significatifs qu'aura la révolution des « fintech » sur elles.
Publié sur un blog perso, rOCk tHe MuSIC Biz, et sur le blog Don’t Believe The Hype.