La face cachée blues de Jeffrey Lee Pierce, figure incandescente du punk rock californien
Sur les traces de Jeffrey Lee Pierce, leader du groupe de "tribal psychobilly blues" californien The Gun Club, disparu prématurément en 1996 à l'âge de 37 ans.
Enregistré à New York avec son compère guitariste Cypress Grove en 1992, l’album de reprises de standards de blues Ramblin’ Jeffrey Lee atteste des véritables influences de Jeffrey Lee Pierce (1958 - 1996), figure incandescente de la scène punk rock californienne des années 80, dont les abus de sex and drugs and rock’n’roll ont précipité la fin à l’âge de 37 ans.
Au début des nineties, la santé du légendaire chanteur, guitariste et auteur-compositeur de The Gun Club, groupe post-punk mythique qu’il a fondé en 1979 à Los Angeles - et avec lequel il eut encore la force d’enregistrer un dernier album en 1993 à Amsterdam -, avait déjà bien décliné. Ses séjours à l’hopital se multipliaient. La tracklist de ce dernier album studio s’ouvre sur la chanson Lucky Jim, qui lui a donné son nom, et sonne comme un magnifique chant du cygne de l’artiste. Cry To Me et Anger Blues témoignent de son retour marqué à ses racines blues.
L’obscur double LP Live Anarchic Blues sorti en 2011, fixation d’un concert acoustique donné en Slovénie en 1994 avec Cypress Grove, ou le désormais introuvable et tout aussi obscur LP Six String Sermon sorti en 2010 sur le label basque espagnol Bang Records, qui contient quelques démos acoustiques enregistrées en 1980 - dont Blackjack Davey, Your Man´s Feeling Low, et I’m On This Rocket, qu’on retrouve sur Youtube -, montrent sa fascination pour le delta blues du Mississippi. Une compilation de ses chansons de country blues préférées circule : Jeffrey Lee Pierce's top20 Country Blues songs.
Mais on ne touche là qu’à une des influences (certes majeure) de sa musique. Elle emprunte aussi bien au punk-rock du groupe new-yorkais Blondie de Debbie Harry, qu’il a croisée en tant que président du fan club US du groupe et qui est devenue son amie, qu’à la musique reggae de Bob Marley, pour laquelle il s’est passionné après avoir assisté à un de ses concerts en 1970 - allant jusqu’à se rendre en Jamaïque, où il a rencontré Winston Rodney, plus connu sous le nom de Burning Spear. On y retrouve également la trace de son intérêt précoce pour le glam rock et le rock progressif de groupes comme les Sparks, Genesis ou Roxy Music, à laquelle viennent s’ajouter quelques touches de rockabilly et de swamp rock.
Porteur du HIV, atteint d’une cyrrhose du foi, et toujours en proie à de multiples addictions, Jeffrey Lee Pierce est retrouvé inconscient dans la maison de son père à Salt Late City, dans l’Utah (USA), le 25 mars 1996, et décède d’une hémorragie cérébrale quelques jours de coma plus tard. Sa disparition lui a valu de nombreux hommages posthumes, comme le Jeffrey Lee Pierce Sessions Project : une série de trois albums - We Are Only Riders, The Journey is Long et Axels & Sockets - enregistrés par tout un collectif d’amis de l’artiste dont Nick Cave, Debbie Harry, Mark Lannegan (Screaming Trees) et Steve Wynn (Dream Syndicate), sur la base de démos et d’ébauches de chansons écrites par lui qu’ils interprètent.
Cypress Grove, à l’origine du projet, avait retrouvé un enregistrement de trois chansons - Ramblin' Mind, Constant Waiting, et Free To Walk -, sur une cassette portant la mention "JLP Songs" : une ébauche de l’album sur lequel il travaillait avec son ami Pierce peu avant sa mort. Des membres de la famille et des amis ont fourni des matériaux supplémentaires, comme cette copie d'une cassette maison de Jeffrey Lee Pierce interprétant My Cadillac et St. Mark's Place confiée par le journaliste rock Phast Phreddie Patterson - des enregistrements antérieurs au Gun Club -, ou les bandes originales d’idées de chansons enregistrées pour l’album Ramblin' Jeffrey Lee qui n’avaient pas été retenues, et que Cypress Grove est parvenu à récupérer.
L’album solo Wildweed, sorti en 1985, dont Jeffrey Lee Pierce a enregistré presque toutes les guitares, sonne comme une expression achevée de sa personnalité musicale. Quelques mois plus tôt, ses comportements à la marge, que les autres membres du groupe ne pouvaient plus gérer, avaient provoqué un nouveau split du Gun Club après deux concerts donnés à Londres, ce qui a conduit à l’annulation d’une tournée australienne. Ma playlist A long journey with Jeffrey Lee Pierce, composée de titres extraits de l’album Wildweed, des Jeffrey Lee Pierce Sessions enregistrées par ses amis, et des sept albums studio du Gun Club, tente de rendre justice à son génie musical, dont elle explore ce que sont à mon goût les meilleures facettes.
Plusieurs documentaires, qu’on peut retrouver sur Youtube, retracent le parcours de cet ange déchu du punk rock californien devenu légendaire, qui n’a pas survécu aux maux de son époque :
Ghost On The Highway: A Portrait of Jeffrey Lee Pierce & the Gun Club, French Fan Club Films & Powell Factory Films (2006)
Hard Times Killin' Floor Blues, par Henri-Jean Debon (2008)
Jeffrey's Blues, par Bram van Splintered (1989)