Sur les traces du mystérieux Emmanuel Swedenborg (1688 - 1772)
Aux nombreuses réalisations concrètes de Swedenborg sur le plan scientifique, il faut ajouter son engagement dans la vie politique de son pays. Tout cela ne résume cependant qu’une partie de sa vie.
“La vérité est que la vie de tous, aussi bien celle de l'homme que celle de l'esprit et aussi celle des anges, afflue uniquement du Seigneur, qui est la vie même, et se diffuse à travers tout le ciel et aussi tout l'enfer, et ceci est un ordre et une série incompréhensibles, mais la vie qui afflue est reçue par chacun selon sa disposition.”
Ayant pris le parti de consacrer les dernières vacances d'été à quelques lectures ésotériques, mes premières pérégrinations – dont la lecture critique et distanciée de L'histoire secrète du monde, de Jonathan Black - m'ont conduit à m'intéresser à un drôle de personnage, en la personne d'Emmanuel Swedenborg1 : un scientifique, théologien et philosophe suédois qui vécut au 18ème siècle (1688 – 1772).
Inventeur prolifique, dont les travaux furent reconnus par toutes les grandes académies des sciences en Europe, parfois surnommé le Léonard de Vinci scandinave ou l'Aristote de Suède, Swedenborg vécut jusqu'à un âge avancé (94 ans), et fut l'auteur de nombreux ouvrages scientifiques (au total soixante-dix sept volumes souvent rédigés en latin, couvrant des domaines aussi variés que les mathématiques, la physique, l'anatomie, la géologie, la cosmologie, la mécanique, la physiologie animale, la psychologie ou la théosophie), qu'il fit imprimer lui-même à ses frais la plupart du temps, à Londres, Amsterdam ou Stockholm.
Ce voyageur infatigable, qui séjourna dans la plupart des capitales et des grandes villes européennes, fut l'un des premiers (avec Emmanuel Kant et Pierre-Simon Laplace) à émettre l'hypothèse de la formation du système solaire. Il énonça une théorie moderne de l'atome, décrivit la nature de la Voie lactée avant Buffon et Laplace, proposa une théorie ondulatoire de la lumière et une théorie cinétique de la chaleur, publiant par ailleurs une méthode de calcul des longitudes suivant l'observation des phases de la lune ; étudiant la formation des marées ; s'intéressant à la cristallographie et à la métallurgie, ainsi qu'au magnétisme et à l'électricité, domaines dans lesquels il devança les travaux de Franklin et de Faraday.
La soif inextinguible de connaissances de cet esprit des Lumières, pourtant d’une religiosité sans faille, ne s'arrêta pas là - loin s'en faut. Sa quête d'une théorie des relations entre l’esprit et la matière, ainsi que sa recherche du siège de l’âme, le conduisirent à s'intéresser de près à l'anatomie. Ainsi découvrit-il la fonction des glandes endocrines, et proposa t-il une localisation des centres sensoriels et moteurs dans le cerveau, s'intéressant au contrôle des mouvements automatiques par le cervelet et au rôle de la glande pinéale, allant même jusqu'à produire une étude avancée sur la circulation du sang, et sur la relation du cœur et des poumons. Autant de travaux médico-psychologiques très en avance sur son temps, que la science médicale a fini par dépasser pour certains, que les neurosciences ont validés pour d'autres.
A ces nombreuses réalisations concrètes sur le plan scientifique, auxquelles on se demande comment a pu suffire une seule vie d'homme, il faut ajouter son engagement dans la vie politique de son pays, son activité au Parlement suédois, ses fonctions à l'Académie des sciences et au Collège des mines, sa contribution d'ingénieur à de grands travaux nationaux - comme la construction des docks de Karlskrona, des écluses du lac Väner et de Göteborg, ou encore des installations hydrauliques de Trollhättan -, ainsi que son élaboration d'un système décimal monétaire qui débouchera sur la publication de trois mémoires rédigés pour la Diète (le Parlement suédois) : sur la monnaie métallique, sur les finances et sur le cours des changes.
Tout cela ne résume cependant qu’une partie de la vie de Swedenborg. En 1743, alors qu’il est au faîte de la cinquantaine, il connaît une expérience mystique qu’il relate ainsi dans une lettre à un ami médecin : “J'ai été appelé à une fonction sacrée par le Seigneur lui-même, écrit-il, qui s'est manifesté en personne devant moi son serviteur. Alors il m'a ouvert la vue pour que je voie dans le monde spirituel. Il m'a accordé de parler avec les esprits et les anges...”.
Dès lors, Swedenborg, qui met fin à ses recherches scientifiques - il écrit au roi pour résilier ses fonctions au collège des Mines en 1745 -, n’aura de cesse d’effectuer des incursions dans l’au-delà par la voie intérieure, et de rendre compte abondamment, jusqu’à la fin de ses jours, des conversations qu’il prétend entretenir en ces occasions avec toutes sortes d’entités spirituelles - toutes issues de consciences humaines selon lui, y compris les anges, qui peupleraient les plans subtils des planètes du système solaire et au-delà, voire très au-delà, au sein d’autres galaxies que la nôtre.
Lire la biographie d’Emmanuel Swedenberg par Jacques Matter, ancien inspecteur général des bibliothèques publiques, parue en 1863 : https://www.pdfdrive.com/emmanuel-de-swedenborg-e38707107.html