Au cœur du grand oeuvre musical de Led Zeppelin (2)
Le groupe s'est nourri d'un vaste éventail d'influences dont l'alchimie a abouti à la création d'un corpus musical des plus variés sous une identité sonore unique et immédiatement reconnaissable.
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Dans l'histoire tumultueuse du rock, peu de groupes ont laissé une empreinte aussi profonde que Led Zeppelin. Formé sur les ruines des Yardbirds en 1968, ce quatuor britannique allait redéfinir les contours de la musique rock pour les décennies à venir. Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones et John Bonham ont réalisé un grand oeuvre musical qui a transcendé les genres, fusionnant blues, rock, folk, musique classique et influences orientales dans un son distinctif et puissant.
Ce petit essai retrace leur parcours, des petites salles de Londres aux grands stadiums de l’Ouest américain, et leur ascension fulgurante faite d'excès légendaires, de controverses et d'une fin tragique. Il plonge également au cœur de leurs influences, de la quintessence de leur musique et de l’héritage qu’ils ont laissé.
Chapitre 2: Les influences musicales du groupe
La richesse sonore de Led Zeppelin ne s'est pas créée ex nihilo. Le groupe s'est nourri d'un vaste éventail d'influences que chaque membre a apportées à l'alchimie collective. Cette diversité de sources d'inspiration explique en grande partie pourquoi leur musique transcendait les simples catégories du rock.
Avant même de former Led Zeppelin, Jimmy Page avait déjà absorbé l'essentiel du répertoire des grands bluesmen américains. Sa fascination pour Elmore James, Robert Johnson et Howlin' Wolf transparaît dans son jeu incisif et ses techniques de slide guitar. Mais Page avait également été profondément marqué par la façon dont des guitaristes britanniques comme Eric Clapton et Jeff Beck avaient réinterprété ce langage blues.
Son expérience de guitariste de session lui avait permis d'affiner sa technique dans divers styles musicaux, tandis que son passage chez les Yardbirds l'avait exposé à l'expérimentation sonore. Page cherchait à repousser les limites du son de la guitare électrique, expérimentant différents accordages, effets et techniques comme l'utilisation d'un archet de violon sur sa guitare.
Plus surprenant peut-être, Page était également amateur de musique classique et de musique folk britannique, influences qui se manifestent dans des compositions comme "Stairway to Heaven" ou "The Battle of Evermore".
Robert Plant a apporté au groupe sa connaissance encyclopédique du blues américain et sa fascination pour la mythologie et le folklore. Fan de Willie Dixon, Bukka White et Skip James, Plant puisait dans leurs techniques vocales tout en développant son propre style caractéristique.
Mais les influences de Plant allaient bien au-delà du blues traditionnel. Il était également immergé dans la culture hippie de la fin des années 60 et profondément intéressé par la littérature fantastique, particulièrement J.R.R. Tolkien, ainsi que par les mythologies nordique et celtique.
Plus tard, son intérêt pour les cultures et musiques du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord influenceront significativement la direction musicale du groupe, notamment sur des albums comme "Physical Graffiti".
La formation classique de John Paul Jones a apporté au groupe une dimension de sophistication musicale unique dans l'univers du hard rock. Arrangeur de talent ayant travaillé avec des artistes comme les Rolling Stones et Donovan, Jones maîtrisait une palette instrumentale impressionnante incluant basse, claviers, mandoline et autres instruments.
Son approche de la composition était influencée par la musique baroque, le jazz et les arrangements orchestraux. Cette polyvalence et cette érudition musicale ont permis à Led Zeppelin d'explorer des territoires sonores inédits dans le rock, avec des structures complexes et des orchestrations variées.
Bien que moins explicite quant à ses influences, John Bonham s'inspirait clairement des grands batteurs de jazz et de soul comme Max Roach et Buddy Rich. Sa technique redoutable combinait puissance brute et subtilité, avec une approche du timing et de la dynamique qui a révolutionné le jeu de batterie dans le rock.
Bonham avait également une fascination pour les percussions africaines et orientales, qu'il intégrait à son style. Son solo emblématique "Moby Dick" témoigne de cette diversité d'influences, fusionnant power drumming et sensibilités rythmiques plus exotiques.
Led Zeppelin se distinguait par la capacité de ses membres à transmuter ces diverses influences en un son cohérent et distinctif. Le blues restait leur fondation commune, mais ils l'étendaient dans toutes les directions possibles, créant un patchwork sonore qui pouvait inclure dans un même album du folk acoustique ("Going to California"), du hard rock brutal ("When the Levee Breaks"), des expérimentations orientales ("Kashmir") et des ballades mystiques ("Stairway to Heaven").
Leur approche de la composition était organique et collaborative, chaque membre apportant des idées que le groupe transformait ensuite collectivement. Ils pratiquaient ce que Page appelait "l'alchimie musicale" – une transmutation mystérieuse de matériaux familiers en quelque chose de nouveau et d'inattendu.
Cette fusion d'influences diverses explique pourquoi Led Zeppelin a pu créer un corpus musical si varié tout en maintenant une identité sonore immédiatement reconnaissable – un paradoxe qui reste au cœur de leur héritage durable.
[à suivre]