"Liberté, Égalité, Fraternité"
L'exploration intrépide de sables mouvants spirituels, qui a toujours nourri ma vie intérieure, a fini par conforter mes convictions républicaines et libertaires, qui restent foncièrement laïques.
Au même titre que Carl Gustav Jung (1875 - 1961) ou Sri Aurobindo (1872 - 1950), Rudolph Steiner (1861 - 1925), fondateur de l’anthroposophie, fait parti de ces personnalités ayant vécu à cheval entre le XIXème et le XXème siècle, sur les écrits desquelles quelques personnes d’âge déjà mûr m’invitèrent à me pencher au faîte de mon adolescence ; de même qu’elles attirèrent mon attention sur le Yi King, ou livre chinois des transformations, qui reste plus de quarante ans après un de mes livres de chevet1.
Je n’étais pas alors en âge de comprendre le message que ces trois explorateurs de la psyché humaine s’efforcèrent en leur temps de délivrer, encore moins de porter sur ce message un regard critique et distancié faisant appel à la raison - faculté à laquelle je ne renonce jamais, du fait de ma formation philosophique, même lorsqu’il s’agit de pénétrer des sphères de l’esprit qui la dépassent. Quitte à faire appel à des formes d’intuition intellectuelle qui se situent au delà des facultés d’entendement auxquelles elle se limite, sans renoncer toutefois, en tout dernier ressort, à une cohérence globale qui fait appel à elle.
C’est là une forme de gymnastique ou de yoga de la pensée que je me suis accoutumé à pratiquer, et qui m’est aujourd’hui devenue presque réflexive ; “une méthode scientifique” d’acquisition de connaissances spirituelles, dirait Steiner, que ne goûtent pas vraiment les esprits étroitement matérialistes de notre temps ; même si la plupart des grandes découvertes scientifiques de notre histoire furent le fruit de fulgurantes et géniales intuitions, qui ressortirent beaucoup plus d’une inspiration subconsciente que de la pure déduction logique.
Les écrits de Carl Gustav Jung, souvent purement cliniques - ce qui les rend parfois ardus -, sont les premiers que je me résolus à pénétrer sérieusement aux alentours de la trentaine. L’étude du Tarot de Marseille et de ses vingt-deux arcanes majeurs2, dont je fis la rencontre au commencement de la vingtaine3, m’ont d’une certaine manière préparé à appréhender des concepts comme celui de Soi, d’inconscient collectif ou d’archétype, autour desquels s’articule la psychologie jungienne des profondeurs4.
La lecture de Jung, et celle de certaines thèses qui restent encore spéculatives, du philosophe des sciences Ervin Laszlo5, de l’astrophysicien indépendant Massimo Teodorani6, ou du prix Nobel de physique Roger Penrose7, m’ont convaincu qu’une corrélation pouvait être raisonnablement établie entre les notions d’inconscient collectif8, de champ akashique9 et de vide quantique10 - la première relevant de la psychologie analytique, la deuxième de l’ancestrale tradition védique des brahmanes hindous, la troisième de la physique de l’infiniment petit.
C’est probablement sur ce terrain, qui voit la science flirter avec les plus anciennes traditions ésotériques, que la conscience humaine est à la veille d’effectuer un immense saut quantique - du seul fait de la nouvelle conception que nous pourrions être amenés à adopter, dans un avenir proche, de l’origine de la conscience. Ne plus considérer, du fait de nouvelles évidences, que la conscience se réduit à un processus purement neuronal logé dans le cerveau, pourrait nous amener à une révision en profondeur de notre conception matérialiste de l’univers11.
Concernant Sri Aurobindo, philosophe, poète et écrivain spiritualiste né à Calcutta, qui fut un des leaders du mouvement pour l'indépendance de l'Inde, je n’ai trop tôt lu qu’un de ses ouvrages (titré “La mère”), dont je suis bien en peine de me souvenir ce qu’il m’inspira sur le moment. Je n’en trouve d’ailleurs aucune trace sur Z-Library, bibliothèque “universelle” du darknet où je me procure la plupart des livres numériques que je lis12, laquelle référence pourtant plusieurs de ses ouvrages, dans lesquels j’envisage de me plonger.
Une récente synchronicité, survenue à la lecture d’une note bibliographique le concernant, me conduisit à faire spontanément un parallèle entre le message délivré par la philosophe australienne Val Plumwood (1939 - 2008)13, dans un de ses ouvrages que je venais de lire14, sur les rapports que l’homme devrait entretenir avec la nature, et les prises de position de Sri Aurobindo à cet égard, bien que tout les sépare a priori dans leur approche philosophique de cette question.
Val Plumwood adopte en effet une approche purement écoféministe, critiquant sur cette base la pensée occidentale moderne, qui a conduit à une exploitation systématique et indiscriminée de la nature ; quand Sri Aurobindo adopte une approche essentiellement spirituelle, et voit d’abord dans la nature une manifestation divine. La première met l'accent sur la responsabilité qui est celle de l’homme de la protéger et de la restaurer, le second sur une transformation de la conscience humaine comme condition sine qua non de l’entretien d’une relation harmonieuse avec elle.
Malgré ces différences d’approche, l’une comme l’autre, qui se retrouvent dans leur rejet de l'anthropocentrisme et leur reconnaissance d’une “intentionnalité” de la nature15, nous invitent à développer une relation de respect et de collaboration avec elle. Ils affirment de concert sa valeur intrinsèque, et qu'elle ne doit pas être seulement considérée comme une ressource inépuisable à exploiter, soulignant l'interdépendance fondamentale qui existe entre elle et nous.
Ma relation avec la pensée de Rudolph Steiner, pour en venir à lui, s’est avéré beaucoup plus complexe et accidentée. Je n’ai toujours pas le sentiment d’avoir atteint le stade d’initié qu’il décrit dans le premier ouvrage que j’ai lu de lui, il y a de celà fort longtemps, sur la manière d’acquérir une connaissance des mondes supérieurs16. Je n’ai pas non plus le sentiment de n’avoir acquis aucune connaissance de ces mondes suprasensibles, mais peut-être celle à laquelle je prétends ne relève t-elle que d’une approche purement intellectuelle, qui ferait tout au plus de moi un apprenti et non un initié.
D’autres ouvrages que j’ai lu de Steiner par la suite m’ont fait forte impression. L’un d’entre eux m’a temporairement pétris de cette angoisse qu’est susceptible de provoquer la considération des perspectives vertigineuses qu’il introduit : concernant la nature de l’univers, ce que furent les étapes successives de son évolution - les périodes saturnienne, solaire, lunaire et terrestre -, laquelle évolution aurait été guidée par des forces spirituelles ; et ce qu’en seront les prochaine étapes - les périodes jupitérienne, vénusienne et vulcainienne17.
Le fondateur de l’anthroposophie offre une vision de la nature de la réalité qui peut être fascinante, bien qu’elle n’ait rien de scientifique. Elle lui a notamment été inspirée par les incursions qu’il prétend avoir faites dans le champ akashique grâce à sa clairvoyance, ce qu’il relate dans plusieurs ouvrages18. Un autre grand ésotériste du XXème siècle, René Guénon (1886 - 1951), reconnaîssait lui aussi l'existence du champ akashique, qu’il considérait comme une "mémoire du monde" et le support de la tradition primordiale source de toutes les religions et traditions spirituelles. Mais il ne prétendit jamais y avoir eu accès lui-même, et se montra toujours sceptique envers le témoignage de ceux qui faisait état d’une telle expérience.
D’autres considérations plus politiques, on le verra, permettent de distinguer René Guénon de Rudolph Steiner. Pour en revenir à ce dernier, les dérives sectaires dont ont été accusés certains groupes se réclamant de son héritage, que de multiples témoignages écrits d’anciens anthroposophes dénoncent19 - auxquels je reconnais m‘être un peu trop vite arrété, tant cette question peut faire polémique20 -, m’ont conduit à me détourner résolument de sa pensée et de ses écrits un certain temps, jusqu’à ce que je tombe opportunément, en parcourant les linéaires virtuels de Z-Library, sur deux ouvrages dont je n’avais jamais eu connaissance, et qui piquèrent instantanément ma curiosité.
Le premier d’entre eux, paru en 1894 sous le titre La philosophie de la liberté21, est un ouvrage purement philosophique de Rudolph Steiner, sans aucune référence à l’occultisme ou à l’ésotérisme, ce qui ne manqua pas de me surprendre, dans lequel il développe l'idée que la pensée - dont la nature auto-référentielle en fait une capacité humaine purement spirituelle selon lui 22- est le fondement de la liberté humaine. Cette dernière prend racine dans la conscience de soi, explique t-il, laquelle permet à l’homme de se percevoir comme un être distinct du monde et de ses déterminismes, et de se distancier de ses impulsions et de ses désirs immédiats. C’est une force active qui lui permet de se forger sa propre réalité, de choisir ses valeurs, ses objectifs et son orientation dans la vie.
Libre à l’homme, affirme t-il, dans ce qui relève d’un processus de développement moral et spirituel, de s'élever vers le bien et la vérité par sa volonté, qui est la manifestation concrète de sa pensée dans le monde, ou de se laisser aller à ses passions et à ses égoïsmes - ce dont il devra assumer les conséquences, la liberté dont il jouit impliquant une forme de responsabilité individuelle. A un étudiant qu’il conseillait en vue de son doctorat d'État, et qui lui demandait ce qui subsisterait de son œuvre dans quelques siècles, il répondit : “Rien !… sauf La philosophie de la liberté, mais à partir d'elle le reste peut être retrouvé”.
L’autre ouvrage dont la lecture m’invita à renouer avec la pensée de Steiner, paru en 1998 aux Editions Triade sous le titre L’avenir sera t-il social ?, est un recueil de transcriptions de conférences qu’il donna entre 1916 et 1919, au cours desquelles il se montra profondément préoccupé par les problèmes sociaux de son époque, et présenta dans ses grandes lignes un modèle sociétal permettant selon lui de les résoudre. Sa critique du monde moderne, et d’un capitalisme industriel alors en plein essor, porte notamment sur l’asservissement de l’homme par la machine que ce dernier induit, tant au niveau physique que psychologique23.
Steiner critique également l'accumulation excessive de richesses par une minorité de personnes que favorise le système capitaliste. Il n’en fait pas pour autant allégeance à la pensée de Karl Marx (1818 - 1883), dont il rejette le matérialisme dialectique, critique la vision de la société comme un champ de bataille entre classes sociales, et rejette l'idée d'une dictature du prolétariat comme étape nécessaire vers la société communiste, craignant non sans une certaine pré-science qu’elle ne conduise à une nouvelle forme de tyrannie. S’il reconnaît par ailleurs le bien fondé des aspirations idéalistes du socialisme, il ne voit pas en lui une solution sociétale adéquate, manifestant sa crainte qu’il ne conduise à une centralisation excessive du pouvoir, et à une bureaucratie oppressive.
Le plus surprenant, dans le modèle de société alternatif au capitalisme et au socialisme auquel il aspire, est que, tout imprégné de traditions ésotériques qu’il soit, Steiner se réfère en tout premier lieu à la devise républicaine "Liberté, Égalité, Fraternité" issue de la Révolution française, à laquelle il semble vouer un profond respect, reconnaîssant la valeur des idéaux révolutionnaires auxquels elle fait référence, qu'il voit comme des aspirations fondamentales de l'âme humaine : “La devise Liberté, Égalité, Fraternité est un programme pour l'avenir de l'humanité”, affirme t-il.
Invitant à en dépasser les interprétations superficielles, et à travailler concrètement à la réalisation des idéaux dont elle est porteuse, Steiner propose un modèle de tripartition sociale s’appuyant directement sur elle, qui distingue trois sphères dans la vie en société. La première, qui relève de la vie spirituelle - et qui comprend notamment la culture, l'éducation, la religion et la recherche de la vérité - doit selon lui être soustraite à l’influence de l’Etat et de l’économie, et bénéficier d’un pur régime de liberté, non pas au sens d’une absence totale de contrainte, mais du respect de la capacité de l’être humain à se déterminer par la pensée et à agir de manière responsable.
La deuxième sphère de la vie sociale que définit Steiner, qui englobe le système juridique, la politique et la sécurité publique, est celle à laquelle devrait se limiter l’intervention de l’Etat selon lui, afin de garantir l’égalité en droit des citoyens et la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chacun. Enfin la troisième sphère, dans laquelle l’Etat n’a pas plus vocation à intervenir que dans la première, est celle de l’économie, qui doit reposer selon Steiner sur un principe de fraternité - cette dernière ne se limitant pas à une dimension sentimentale, mais impliquant une volonté active de collaboration et de solidarité.
Cette économie fraternelle, telle que Steiner la définit, doit se préoccuper de placer l’être humain au centre de ses préoccupations, de répondre à la fois à ses besoins matériels, spirituels et sociaux, et de promouvoir le bien commun avant les intérêts individuels, en encourageant la solidarité et la collaboration entre les individus, et en se préoccupant de la production et de la distribution de biens et de services pour répondre aux besoins de tous. C’est certes là une vision bien utopique, mais que je trouve rachaichissante en ces temps d’imaginaire dystopique.
Dans la République de Steiner, les écoles seraient libres et non publiques, et la culture ne serait plus subventionnée, mais l’économie ne règnerait plus en maître, et l’Etat serait beaucoup moins tentaculaire qu’il ne l’est devenu. Qu’aurions nous à y perdre ou à y gagner ? Je vous laisse y réfléchir. Ce qui me parait le plus remarquable, c’est la manière dont les aspirations politiques de Steiner, dont s’accommoderaient fort bien pour certaines mes convictions libertaires, concernant notamment la limitation de l’autorité de l’Etat à la sphère du droit public, tranchent résolument avec celle d’un autre grand ésotériste de la première moitié du XXème siècle, en la personne de René Guénon.
Dans son ouvrage Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps24, paru pour la première fois en 1945, Renon Guénon fait mouche à bien des égards dans sa critique acerbe de la modernité occidentale - laquelle est beaucoup plus féroce que celle de Steiner -, lorsqu’il dénonce la place prépondérante qu’elle accorde à la quantité ; son obsession du progrès matériel, de la croissance économique et de la mesure quantifiable ; ce qui étouffe selon lui les valeurs spirituelles et qualitatives de l’humanité. Il voit le monde moderne comme une époque dominée par le matérialisme, où l'esprit est subordonné à la matière, et où l'individualisme, la recherche du profit et le consumérisme dégradent l'être humain et le détournent de sa véritable nature.
La centralisation croissante du pouvoir et l'émergence d'une technocratie dominante en sont des marqueurs, qui représentent selon Guénon une menace pour la liberté individuelle et pour la diversité des cultures. Autant de constats sur lesquels se retrouveraient nombre d’intellectuels de ce début de XXIème siècle, pourtant très éloignés de ce qui fonde son raisonnement. Sa conviction que le monde moderne occidental traverse une crise profonde, et que ses contradictions internes le mènent inéluctablement vers sa chute, devrait trouver un écho favorable auprès de bien des déclinistes.
Comme Steiner, Guénon en appelle à une transformation spirituelle de l'être humain pour sortir de cette crise. Mais ses recettes politiques sont plus discutables. Il prône en effet une société très hiérarchique, où chaque individu occupe une place définie en fonction de ses aptitudes et de sa nature, l'autorité étant exercée par des personnes sages et éclairées, garantes de l’ordre et de la tradition. Dans cette société idéale, profondément ancrée dans la tradition et la spiritualité, la religion joue un rôle central, dans la vie sociale comme politique, et les valeurs morales et spirituelles sont omniprésentes.
D’où il ressort qu’entre Rudolph Steiner et René Guénon, qui furent tous deux de grands esprits épris de spiritualité, d’occultisme et d’ésotérisme, se dessine la ligne de démarcation que nous devons tracer entre laïcité et fondamentalisme, quelques soient nos aspirations, athées, spirituelles ou religieuses, dans le plus grand respect des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’ouvrage de référence que je recommende à cet égard, à ceux qui se préocuppent moins de divination que des grands principes qui régissent le cosmos, est celui que consacre au Tarot l’hermétiste, anthroposophe et juriste russe Valentin Tomberg (1900 - 1973), publié anonymement sous le titre Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot aux Editions Aubier Montaigne, dont la dernière édition date de 1984 - et dans lequel l'auteur se propose d'expliquer le symbolisme des 22 lames majeures du Tarot en s'appuyant sur la tradition hermétique chretienne dans sa triple dimension - la mystique, la gnose et la magie -, mais aussi sur la Kabbale juive et sur les traditions astrologiques chaldéenne et indienne.
Fondée par Carl Gustav Jung, qui fut un proche collaborateur de Sigmund Freud, avant de rompre avec lui en 1913, en raison de désaccords théoriques et personnels, la psychologie des profondeurs, également appelée psychologie analytique, est une école de pensée qui s'intéresse aux aspects inconscients de la psyché humaine, dont elle distingue deux composantes : l’inconscient collectif et l’inconscient personnel. Elle permet de traiter un large éventail de troubles psychologiques, tels que l'anxiété, la dépression et les troubles de la personnalité. Elle peut également servir des objectifs de développement personnel, comme mieux se connaître et réaliser son plein potentiel, démarche qui relève de ce que Jung définit comme un processus d'individuation, lequel permet de devenir conscient de ses motivations inconscientes, et d’intègrer les différentes facettes de sa personnalité.
Lire Science et champ akashique, tome 1 et 2, par Ervin Lazlo, Editions Ariane (2005). Pour Ervin Lazlo, la conscience est un champ d'information qui imprègne l'univers. Le vide quantique est une manifestation de ce champ d'information. Il considère que l'univers est un hologramme, et que l'information contenue dans le vide quantique est à l'origine de la réalité physique. Pour lui, la conscience n'est pas une propriété émergente du cerveau, mais elle est présente à tous les niveaux de la réalité. C’est une propriété fondamentale de l'univers.
Lire Entanglement - l’intrication quantique, des particules à la conscience, Macro Editions (2016). Pour Massimo Teodorani, le vide quantique est doté d'une capacité informationnelle et computationnelle rudimentaire qu'il nomme "proto-psychisme". La conscience émerge de l'interaction entre le proto-psychisme du vide quantique et la complexité du cerveau. L'observateur joue un rôle actif dans la création de la réalité en influençant l'état du vide quantique.
Lire Les ombres de l’esprit, à la recherche d’une science de la conscience, par Roger Penrose, InterEditions (1995), ouvrage dans lequel il expose les prémisses d'une nouvelle physique pour comprendre les phénomènes de la conscience, à la frontière de la neurophysiologie et de la physique quantique. Pour Penrose, la conscience est le résultat de processus quantiques qui se déroulent dans les microtubules des neurones. Il considère l'univers comme un vaste ordinateur quantique dont le vide quantique est le support informationnel, la conscience étant un phénomène non-algoritmhique qui ne peut être réduit à des processus physiques.
Concept développé par Jung. l’inconscient collectif désigne une couche de l'inconscient qui est un réservoir de pensées, de sentiments et d'images atavique, transmis de génération en génération et partagé par tous les êtres humains, indépendamment de leur culture, de leur éducation ou de leur expérience personnelle. Il est composé de deux éléments : les archétypes d’une part, qui sont des formes universelles intemporelles influençant nos pensées, nos sentiments et nos comportements ; l'énergie psychique d’autre part, qui est une source d'énergie pouvant être utilisée pour la créativité et la transformation personnelle. Selon Jung, l’inconscient collectif se manifeste à nous de plusieurs façons : par les rêves, qui peuvent nous donner accès à ses contenus ; par les mythes et les symboles universels, qui en sont des expressions ; par les synchronicités, qui sont des coïncidences significatives pouvant être considérées comme des messages qu’il nous adresse.
Le champ akashique est une notion ésotérique qui désigne un champ d'information universel. Il est considéré comme une sorte de mémoire cosmique qui contient l'enregistrement de toutes les pensées, paroles, actions et événements de l'univers, passés, présents et futurs. C’est une substance subtile et invisible (le terme “akasha” signifie “éther” en sanskrit) qui imprègnerait tout l'univers. Il est composé d'énergie et d'information et serait accessible à des individus ayant développé des capacités de perception extrasensorielle.
En physique quantique, le vide quantique n'est pas l'absence de tout, mais plutôt un état d'énergie minimale. Il est rempli de fluctuations d'énergie et de particules virtuelles qui apparaissent et disparaissent constamment. Les particules virtuelles du vide quantique peuvent se transformer en particules réelles sous certaines conditions. Selon la physique quantique, du vide quantique émergent de l’information, de l’énergie, de la matière et finalement notre réalité. Un phénomène dont la conscience de l’observateur pourrait se révéler être la cause première.
Sur ce thème de l’origine de la conscience, lire l’ouvrage du philosophe des sciences Michel Bitbol, La conscience a t-elle une origine ? Des neurosciences à la pleine conscience : une nouvelle approche de l’esprit, Flammarion (2014), qui ne propose pas de réponse définitive à cette question, mais met en évidence les limites de la science classique pour y répondre. S’il reconnait que la neurophysiologie et les sciences cognitives ont éclairé le fonctionnement de la conscience, il considère qu’elle n’ont effectué que la moitié du chemin. La conscience faisant en permanence référence à elle-même - la question de son origine a toujours une conscience pour origine -, elle ne peut en effet avoir de dehors objectivement observable.
Contributrice active au développement de la philosophie environnementale, de l’écoféminisme et des "ecological humanities", Val Plumwood a mobilisé les outils du féminisme pour révéler comment la domination de la raison sur la nature s’est historiquement construite et comment elle régit les cadres d’intelligibilité de la philosophie moderne, tout en constituant plus largement un trait de nos cultures occidentales destructrices. La crise écologique que nous traversons est selon elle intégralement liée à ce réductionnisme moderne, qui nie l’inscription de l’humain dans la nature et sa dépendance envers elle.
Réanimer la nature, par Val Plumwood, Presses Universitaires de France, 2020
L'idée d'une intentionnalité de la nature revient à considérer qu’elle n'est pas simplement un ensemble de processus passifs, mais qu'elle est capable d'agir et de poursuivre des fins. Cette notion peut être interprétée de différentes manières, selon que l'on y voit une dimension divine (comme Sri Aurobindo) ou purement téléologique (comme Val Plumwood).
L’initiation, ou comment acquérir une connaissance des mondes supérieurs, par Rudolph Steiner, Editions Triades (2002)
Dans son ouvrage La Science de l'Occulte, publié pour la première fois en 1909, Steiner explique qu’au cours de la période saturnienne l'univers était purement spirituel et non-manifesté. Il était en grande partie fait de chaleur et de lumière au cours de la période solaire ; s'est refroidi et condensé au cours de la période lunaire - laquelle vit la vie commencer à se développer - ; l’actuelle période terrienne étant celle au cours de laquelle l'être humain est appelé à développer sa conscience. Devrait lui succèder une période jupitérienne, qui verra l'être humain développer une conscience de groupe ; puis une encore plus lointaine période vénusienne, pendant laquelle l'être humain atteindra un état de pure spiritualité ; et enfin une période vulcainienne, qui marquera la fin de l'évolution cosmique, et verra l'univers se dissoudre dans l'esprit.
Lire notamment Chroniques de l’Akasha, par Rudolph Steiner, Éditions Anthroposophiques Romande (1980)
Lire par exemple ce billet de blog intitulé Ma vie chez les anthroposophes écrit par un certain Grégoire Perra en 2012
Lire à cet égard le fact checking du journaliste Guillaume Lecaplain publié par le quotidien Libération en 2018, sous le titre L'anthroposophie est-elle une secte ?, qui se conclut ainsi : “On ne peut pas dire que l’anthroposophie soit une secte, même si la ‘médecine anthroposophique’ et la pédagogie Steiner font l’objet de surveillances particulières. […] L'anthroposophie, malgré son socle plus controversé, a donné naissance directement ou indirectement au mouvement bio, aux biocoop, aux banques éthiques, aux Amap… Comme l'annonce le Cercle laïque de prévention du sectarisme : ‘la difficulté principale lorsqu'on traite des institutions nées de l'anthroposophie en exerçant son esprit critique, c'est que, tel Janus, le dieu à deux têtes, les associations et organismes sont séduisants, souvent à juste titre et il semble difficile de ne pas les cautionner. Les aspects moins reluisants qu'il est parfois difficile de détecter ne doivent pas occulter les projets plus porteurs et vice versa. Il ne faut ni idéaliser ni diaboliser’.”
La philosophie de la liberté, par Rudolph Steiner, BNF
De par sa nature auto-référentielle - dans la mesure où la pensée se montre capable de se penser elle-même, ce qui relève d’une capacité unique dans le monde naturel -, la pensée relève selon Steiner de la dimension spirituelle de l’homme. Elle lui permet de créer de nouvelles idées, de nouveaux concepts et de nouvelles réalités. Elle n’est limitée ni par le temps ni par l’espace, relève t-il, permet de produire des concepts universels, et d’accéder, en faisant le cas échéant appel à l’intuition - qui est une forme de connaissance ne se basant ni sur la la logique ni sur la raison -, à des réalités qui dépassent le monde matériel.
Steiner observe que le travail à la machine se montre aliénant et déshumanisant, l'ouvrier devenant un simple rouage dans un processus mécanique, dans lequel il perd le contrôle de son travail et de sa créativité. Il craint que la machine ne devienne une force dominante qui asservit l'homme, et met en garde contre le risque d'une société où la technologie prend le pas sur l'humain, et où les machines dictent nos choix et nos comportements. Leur utilisation excessive peut atrophier les facultés humaines de réflexion, de créativité et de décision, observe t-il, l'homme devenant dépendant d’elles pour penser et agir à sa place. la solution ne réside pas selon lui dans le rejet de la technologie, mais dans son utilisation responsable et consciente. Il propose une approche de la technologie qui respecte l'humain, et met l'accent sur la collaboration entre l'homme et la machine. Autant de réflexions qui, à l’heure de la toute puissance des algorithmes et de l’intelligence artificielle, n’ont rien perdu de leur actualité.
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, par René Guénon, Gallimard (2013)